PROPOS d’EUGÈNE LAMOUR (alias BÒS COTA) sur "LE CHALOSKA"(Charles Oscar)dans Le CARNAVAL DE JACMEL, HAÏTI.
- Wilson Décembre, PhD.
- 28 févr.
- 2 min de lecture

« Charles Oscar était un chef militaire, commandant de la police à Jacmel. Il est mort ici en 1915. Il était grand et fort. Il avait de gros pieds, de grosses dents et tout le monde avait peur delui. À un certain moment, il y avait une instabilité politique à Port-au-Prince - le président Sam venait d’être assassiné – Charles Oscar se saisit de l’opportunité pour s’emparer de 500 prisonniers de la prison locale et les tua tous. Il y avait tellement de sang que cela a formé une rivière de mort. La population s’est mise alors dans une telle colère qu’elle a déchiré le commandant en morceaux dans la rue avant de mettre le feu à ses restes. Il a été tué avec la même violence dont il avait usé contre les gens.
J’ai toujours été frappé par cette histoire, alors, en 1962, j’ai décidé de créer le personnage de Chaloska pour le Carnaval. J’ai dessiné l’uniforme militaire et j’ai fabriqué la fausse grosse dentition avec des dents de taureau que j’ai achetées au marché. Chaque année, je change le costume un tout petit peu en dessinant un différent chapeau pour le groupe.
Quand j’ai créé Chaloska, j’ai voulu aussi créer d’autres personnages pour l’accompagner. J’ai créé Maître Richard et Docteur Calypso. Maître Richard est un homme riche avec un grand sac rempli d’argent. Il a un ventre énorme. Il marche avec le groupe des Chaloska, passant son temps à acheter la justice en versant des pots-de-vin aux juges. Il représente l’impunité et la corruption qui se cachent derrière le phénomène Chaloska. Il est le vrai chef de la ville. Docteur Calypso, quant à lui, est un vieux bossu portant un costume noir et muni d’un bâton. Il travaille pour Chaloska en vérifiant la santé des prisonniers. Il rapporte toujours qu’ils sont en bonne santé alors qu’ils sont en train de mourir.
Ces personnages sont encore là dans la société haïtienne, par conséquent c’est une bonne chose de les faire circuler dans la rue. C’est un message à tous les futurs Oscar : voici la fin qui vous attend. Le groupe va à travers toute la ville en menaçant les gens. Le leader des Chaloska finit toujours par mourir à la fin, pendant que les autres implorent la pitié – ce sont des lâches. Mais il y a toujours un nouveau Chaloska pour remplacer le leader. C’est pour montrer la reproduction infinie de Chaloska que le même système continue à fabriquer. Il y aura des Chaloska jusqu’à la fin du monde. Ils ont commencé avec le commencement. Ils ne finiront pas avant la fin. »
In « KANAVAL: Vodou, Politics and Revolution on the Streets of Haiti », p.50. Photography and
Oral Histories by Leah Gordon. London: Soul Jazz Publishing, 2010.
Traduit de l’anglais par Wilson Décembre, Ph.D.
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